Dimanche 21 septembre 7 21 /09 /Sep 06:16

 
       Un truc ki me faisait frémir, trembler des jambes aux intestins, c'est devoir lire tout haut en classe.


       Le silence se faisait et ça allait être le tour de quelqu'un. Le plus souvent, c'était pas moi. On m'évitait. Ca faisait comme un soulagement. Et des fois c'était mon tour. Je
m'effondrais sur moi-même, je me débattais sans bouger. C'était l'été au milieu de l'hivers. Je transpirais pas bon. Comme si 4 diables venaient me saisir pour me circoncire une deuxième fois. J'étais nul, et j'en avais conscience. Ca s'exposait devant toute la classe. Ca durait jusqu'à l'étranglement.


       J'en ai des souvenirs dès le CE1 : on m'avait mis dans un p'tit groupe ki restait le midi pour apprendre à lire. Même dans ce groupe là, j'étais le nul. On lisait à tour de rôle mais à mon tour, on n'entendait pas. Je tentais de garder les sons dans mes lèvres, comme si je pouvais dissimuler la béance de ma faille. "Parle plus fort" disait le maître ke je ne pouvais ke haïr. Je reprennais en ayant l'impression de crier mais on ne m'entendait toujours pas. Je butais sur les mots comme un bègue. Je n'existais pas.
 
 
       Les potes ke j'avais à l'école primaire, c'était ke les nouilles et les cancres. Je pensais jusqu'à cette nuit ke je les avais choisi par affinité, car je les aimais bien. Je réalise qu'en fait, les autres avaient dû me rejeter. J'étais le miteux. Le mal habillé. Celui ki sait pas lire. Il me restait que les ânes à fréquenter. La moitié est partie en SEGPA, les autres plus tard en C.A.P., je suis le seul à être allé en seconde. Mais c'était pas gagné.


       J'étais trop jeune encore pour compenser par le physique. J'étais chétif en primaire. Mal nourri et beaucoup trop nerveux pour ke ce que j'avale me profite. Heureusement, j'avais déjà mon caractère. Mais je n'avais que ça. Et un soupçon de dignité. Le minimum vital sans doute.


         Dans ce contexte, l'incapacité de lire est une torture lente et régulière. "Si tu fais pas d'efforts, t'y arriveras jamais hein..." me disait-on avec évidence. Des efforts j'en faisais ! Mais on ne me disait jamais dans kel sens les inscrire. J'étais perdu au milieu des mots. Tout bas, je comprennais encore. Mais tout haut, les syllabes n'étaient qu'une farandole de sons. Sans aucun autre sens que l'impératif de rester à flot au milieu de la mer. Le stress d'une pirogue perdue dans l'océan.


        "Des balayeurs, il en faudra toujours..." finissait-on par répéter autour de moi. Mais c'était au tour d'un autre. Un véloce en lecture. Je m'en foutais : je retrouvais le confort de la démission. Ils se trompaient : j'aurais risqué l'écrou plutôt ke balayer. Mais à ce moment là j'étais trankil, dopé par les restes d'adrénaline, le corps ki se relâche, j'étais bien. Je m'évadais. C'en était fini pour cette fois. Le lendemain, j'étais peinard encore, parce que j'avais lu la veille.


         Dès le surlendemain déjà, je tremblais.



Publié dans : Blogothérapie
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